Où grotesque se mèle à l'horreur

Je travaillais à l'heure tardive de la nuit,
(Si l'on peut appeler "écrire" travailler)
Quand soudainement quelqu'un toqua à mon huis,
Détruisant par ses coups le fil de mes pensées.

M'en extirpant alors tant bien que mal, j'allais
D'un pas trainant m'enquérir de ce qu'il était.
Ouvrant la porte sur le noir et l'inconnu,
Je doute encore et toujours de ce que j'ai vu.


Devant ma demeure, patiemment attendait
Une chose tout d'un noir suaire drapée,
Que le vent nocturne et glacial faisait voler
Autour d'elle, telle une aura d'obscurité.

Sans préambule ni ne s’être présentée,
Elle me dit d’une voix qui me fit frissonner :
« Il y avait bien longtemps que je t’observais,
Si bien que l’envie me pris de te visiter. »

Je ne sus quoi répondre à cette brusque entrée,
Et ne sachant comment je devais l’appeler,
Cachant le malaise qu’elle me provoquait,
Je lui dit d’un air qui se voulait détaché.

« Il doit y avoir erreur, car je n’attendais
Personne à part peut être la faux de La Mort. »

« Bien c’est entendu, ne restons donc point dehors,
J’ai tout mon temps, je t’en pris, fais moi donc entrer. »
Je reconnu alors avec grande horreur
Que bien de La Mort elle-même il s’agissait.
Et tout empli de cette innommable terreur,
Le pas de ma porte je la laissais passer.


Quand elle entra dans mon logis, tout s’éteignit.
Les chandelles, le feu, tout fût comme soufflé,
Si bien que je cru que dans cette obscurité,
S’était éteinte aussi la flamme de ma vie.

Les ténèbres de dehors que j’apercevais
Me parurent tout d’un coup de toute clarté,
Mais tout envie de fuir, en moi, je réprimais :
Il y a des malheurs que l’on ne peut tromper.

J’allais donc m’asseoir à mon bureau, terrifié,
Tâtonnant dans le noir et me prenant les pieds
Dans de hautes pilles de livres et de papiers,
Et m’affalais en renversant mon encrier.

Certains dans ces situations désespérées,
Luttent contre leur sort avec des nerfs d’acier.
Je ne fus pas de ceux là, je dois avouer
Quand dans mon fauteuil, je me recroquevillais.

Le silence se fit, ne pouvant distinguer
Sa si sombre silhouette en capuchonnée.
L’attente dura et sembla s’éterniser,
Jusqu’à ce que sa voix résonne, bien trop près :

« C’est tout poète, c’est que je t’imaginais
Doué d’un phrasé tellement plus affuté. »

Calmant les battements de mon cœur affolé,
Je lui répondis d’une voix toute étouffé :

« Veuillez me pardonner, mais je vous serai grès
De prendre en compte la peur que vous inspirez. »

« Ainsi le prédateur, face à sa destiné,
Se transforme en petite proie effarouchée ? »

Et je sentis que sur son visage voilé,
Ses blanches dents, sarcastiquement, grimaçaient.
Puisant dans un courage que je ne savais
Posséder en moi, promptement je m’exclamais :

« Trêves de métaphores, venons en aux faits !
Je suppose que ce n’est par curiosité
Que vous faîtes irruption en ma vie damnée !
J’aimerai savoir ce que vous me reprochez. »

« Voilà qui est mieux, car instant j’ai pensé
Que pour la première fois je me trompais. »

« Par les dieux ! Je vous en prie, veuillez bien cesser
De tenir des propos si tarabiscotés ! »

L’air, déjà si glacial, finit par se figer,
Et sa voix crissa comme du verre pilé.

« L’Homme ne peut me dire comment m’adresser
A la piétaille que je fauche tel du blé.
Car je suis ici bas la puissance incarnée,
Sous le poids de ma volonté, tous vous ployez
Et toi, tout petit être à la langue acérée,
Un si grand irrespect je ne puis tolérer ! »

Sa tirade se finit dans un grand tonnerre,
Brisant toutes mes vitres et me couvrant de verres.

Moi je restais où j’étais, comme pétrifié,
Et sentais La Mort en colère s’en aller.
Elle s’arrêta devant ma porte fermée,
Et sans se retourner, me dit avec pitié :

« Et moi qui étais venu pour te délivrer,
Je repars sans que ton sang n’est était versé.
Oui, certaines peines ne méritent sursis,
Je te laisse condamner, te laisse la vie. »


Puis La Grande Faucheuse s’était dissipée.
Dans le silence et le noir, longtemps je restais,
Balloter par le maelström de mes pensées.
Enfin, je pris de quoi écrire et du papier.

1 commentaires:

Blogger Unknown a dit...

"et sa voix crissa comme du verre pilé". Perfecto.

Elena

15 janvier 2013 à 11:17  

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