La pluie

Nous errons dans le désert de notre vie damnée
En quête d'un oasis d'espoir et de paix,
Mais les mirages ne laissent aux désespérés
Que de la poussière et des rêves desséchés.

Mais voilà que les cieux déversent leur chagrin
Et chaque larme porte le goût du Léthé.
Nos âmes assoiffées peuvent s'abreuver enfin
Et dans cet oubli si éphémère, se noyer.



Peut être que la pluie nous est si bienvenu
Car elle nous permet de pleurer sans être vu...
Et si un jour on venait à me demander
La nature des taches sur mon manuscrit,
Je pense que je répondrai sans hésiter
Que j'ai sans doute écris cela un jour de pluie.

Souvenirs

 Souviens toi des instants
Les plus beaux, les plus pures,
Les caresses et murmures
Du soleil et du vent.

Et les chuchotements
Si doux et si légers
Que ta muse et la brise
Tendrement murmuraient

Tu avais en ces jours
L'arbre, la sève et le fruit,
Et pourtant ces instants
Furent parmi les plus tristes.

Car on ne peut emplir
Un abime sans fond
Sans finalement succomber
A son attrait vertigineux

Désespoir d'un soldat

Je m'éveille à ce monde de désolation.
Un éveil si douloureux et si déchirant
Que tout mon être se raccroche en sanglotant
Aux lambeaux de mes rêves tristes et sans passion,
Tel un enfant qui s'accrocherait en hurlant
A sa défunte mère lors du jugement.

Tout autour de moi n'est que poussière et cendre.
Je veux fermer les yeux ! Ces yeux emplis de larmes...
Je vous en supplie, ayez pitié de mon âme !
Laissez moi une dernière fois entendre !
Le chuchotement si apaisant de mes rêves...
Avant que l'ultime aube en ce monde se lève...


C'est fini. Oui. Je ne pleure plus maintenant.
Il n'y a plus d'espoirs désespérés, plus rien.
Je vois l'ultime aube se lever à présent.
C'est la fin, il n'y a plus rien. Plus rien... Plus rien... Plus rien...


Le son lent et sourd des tambours résonnent au loin.
J'ai cru sentir mon corps tout rongé de souffrance
Qui s'en aller vers un combat perdu d'avance.
Adieu l'humanité. Il n'y a plus rien.

Chute dans Le Passé

A l'heure sans espoir, mon esprit esseulé
Sur les sentiers mélancoliques, s'en allait.
Par le murmure des mes souvenirs guidé,
Je chutais dans le royaume du Passé.

Là, je restais muet devant tant de beauté,
Car beauté il y a dans la finalité.
Une beauté de stase, essence pétrifiée,
Une beauté macabre d'être statufié.

Et dans cet univers de silence j'errais,
Univers si triste par la fin endeuillé.
Univers tombal, que rien ne vient troubler,
Où le cours même du Fleuve s'est arrêté.

Car ici rien n'est que ce qui passe et trépasse,
Qui meurt, mais dont les traces, jamais ne s'effacent.
Quand enfin l'essence, du mouvement, se lasse,
Chute dans le parfait, dans le marbre s'enchasse.

Ici, rien de plus beau qu'une larme versée,
Qui authentifie un amour par son trépas;
Larme divine, qui abolit mais qui créer
Un aveu de ce qui plus jamais ne sera.

L'envol des condamnés

Je peux voir le dernier train pour le paradis
S'en aller, me laissant esseulé sur le quai,
Oublié, seul à nouveau et seul à jamais
Sur le quai glacial d'une infernale vie.

Car les anges n'attendent pas pour s'envoler
Que les âmes torturées aux ailes brisées
Oblitèrent le billet de leurs lourds passés.
Non, ces âmes seules et déchues sont condamnées.

Car le seul envol auquel pourraient aspirer
Si désespérément ces êtres tourmentés,
Est celui que l'on prend, plein de fatalité,
Du haut de la falaise dont on s'est jeté.

Où grotesque se mèle à l'horreur

Je travaillais à l'heure tardive de la nuit,
(Si l'on peut appeler "écrire" travailler)
Quand soudainement quelqu'un toqua à mon huis,
Détruisant par ses coups le fil de mes pensées.

M'en extirpant alors tant bien que mal, j'allais
D'un pas trainant m'enquérir de ce qu'il était.
Ouvrant la porte sur le noir et l'inconnu,
Je doute encore et toujours de ce que j'ai vu.


Devant ma demeure, patiemment attendait
Une chose tout d'un noir suaire drapée,
Que le vent nocturne et glacial faisait voler
Autour d'elle, telle une aura d'obscurité.

Sans préambule ni ne s’être présentée,
Elle me dit d’une voix qui me fit frissonner :
« Il y avait bien longtemps que je t’observais,
Si bien que l’envie me pris de te visiter. »

Je ne sus quoi répondre à cette brusque entrée,
Et ne sachant comment je devais l’appeler,
Cachant le malaise qu’elle me provoquait,
Je lui dit d’un air qui se voulait détaché.

« Il doit y avoir erreur, car je n’attendais
Personne à part peut être la faux de La Mort. »

« Bien c’est entendu, ne restons donc point dehors,
J’ai tout mon temps, je t’en pris, fais moi donc entrer. »
Je reconnu alors avec grande horreur
Que bien de La Mort elle-même il s’agissait.
Et tout empli de cette innommable terreur,
Le pas de ma porte je la laissais passer.


Quand elle entra dans mon logis, tout s’éteignit.
Les chandelles, le feu, tout fût comme soufflé,
Si bien que je cru que dans cette obscurité,
S’était éteinte aussi la flamme de ma vie.

Les ténèbres de dehors que j’apercevais
Me parurent tout d’un coup de toute clarté,
Mais tout envie de fuir, en moi, je réprimais :
Il y a des malheurs que l’on ne peut tromper.

J’allais donc m’asseoir à mon bureau, terrifié,
Tâtonnant dans le noir et me prenant les pieds
Dans de hautes pilles de livres et de papiers,
Et m’affalais en renversant mon encrier.

Certains dans ces situations désespérées,
Luttent contre leur sort avec des nerfs d’acier.
Je ne fus pas de ceux là, je dois avouer
Quand dans mon fauteuil, je me recroquevillais.

Le silence se fit, ne pouvant distinguer
Sa si sombre silhouette en capuchonnée.
L’attente dura et sembla s’éterniser,
Jusqu’à ce que sa voix résonne, bien trop près :

« C’est tout poète, c’est que je t’imaginais
Doué d’un phrasé tellement plus affuté. »

Calmant les battements de mon cœur affolé,
Je lui répondis d’une voix toute étouffé :

« Veuillez me pardonner, mais je vous serai grès
De prendre en compte la peur que vous inspirez. »

« Ainsi le prédateur, face à sa destiné,
Se transforme en petite proie effarouchée ? »

Et je sentis que sur son visage voilé,
Ses blanches dents, sarcastiquement, grimaçaient.
Puisant dans un courage que je ne savais
Posséder en moi, promptement je m’exclamais :

« Trêves de métaphores, venons en aux faits !
Je suppose que ce n’est par curiosité
Que vous faîtes irruption en ma vie damnée !
J’aimerai savoir ce que vous me reprochez. »

« Voilà qui est mieux, car instant j’ai pensé
Que pour la première fois je me trompais. »

« Par les dieux ! Je vous en prie, veuillez bien cesser
De tenir des propos si tarabiscotés ! »

L’air, déjà si glacial, finit par se figer,
Et sa voix crissa comme du verre pilé.

« L’Homme ne peut me dire comment m’adresser
A la piétaille que je fauche tel du blé.
Car je suis ici bas la puissance incarnée,
Sous le poids de ma volonté, tous vous ployez
Et toi, tout petit être à la langue acérée,
Un si grand irrespect je ne puis tolérer ! »

Sa tirade se finit dans un grand tonnerre,
Brisant toutes mes vitres et me couvrant de verres.

Moi je restais où j’étais, comme pétrifié,
Et sentais La Mort en colère s’en aller.
Elle s’arrêta devant ma porte fermée,
Et sans se retourner, me dit avec pitié :

« Et moi qui étais venu pour te délivrer,
Je repars sans que ton sang n’est était versé.
Oui, certaines peines ne méritent sursis,
Je te laisse condamner, te laisse la vie. »


Puis La Grande Faucheuse s’était dissipée.
Dans le silence et le noir, longtemps je restais,
Balloter par le maelström de mes pensées.
Enfin, je pris de quoi écrire et du papier.

Le Nosferatu

A l'heure où la lune se cache dans la nuit
Sort enfin de l'ombre le prédateur nocturne,
Et tout ce temps passé à fuir l'astre diurne
A éveillé en lui un sanglant appétit.

L'inextinguible soif de minuit le déchire,
L'appelle et l'entraine dans la ville endormie;
Qu'importe les étoiles, qu'importe le prix,
Ce soir, comme tout soir, verra quelqu'un périr.

Le Destin et la Mort qui guidèrent ses pas
L'emmenèrent jusqu'au lit d'une femme assoupie.
Empli d'un mélange d'amour et de folie,
Il resta là, à son chevet, et l'observa.


Il huma la senteur subtile de son corps,
Sentit le battement si calme de son cœur,
Et le soupir lascif entre ses lèvres ignées
Quand il se pencha pour doucement l'embrasser.

Elle ne se réveilla pas, mais un long frisson
Parcouru les courbes de son corps dénudé,
Que les draps diaphanes de son lit tout défait
Caressaient par endroit, étreinte d'abandon.

Qu'importe le prix, une vie pour une vie,
Il resta à observer la femme allongée.
L'un aura été aimé, l'autre aura périt,
L'ange de la nuit mourut à l'aube levée.